Vaincre les virus en ciblant le métabolisme et l’immunité antivirale

Vaincre les virus en ciblant le métabolisme et l’immunité antivirale

Image par microscopie à fluorescence d’une coupe de cervelet de hamster infectée par le virus Nipah. L’intensité du signal lumineux est proportionnelle à la quantité de virus présent. A droite, on voit que l’infection est inhibée en présence d’une molécule qui agit sur le métabolisme cellulaire.

          Depuis leurs fenêtres, Pierre-Olivier Vidalain, Directeur de Recherche au CNRS, et ses collègues de l’équipe VIRIMI dirigée par Vincent Lotteau ont une vue plongeante sur le P4 Jean Mérieux. C’est le seul laboratoire public en France de niveau 4 permettant la manipulation des virus hautement pathogènes comme le virus Ebola. « Lyon est une ville qui compte pour l’étude des virus et le Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI) est un acteur important dans le domaine » nous explique Pierre-Olivier Vidalain. Au confluent du Rhône et de la Saône, le CIRI est une unité mixte de l’Inserm, de l’Université Lyon 1, du CNRS et de l’ENS de Lyon qui héberge 24 équipes de recherche en virologie, bactériologie et immunologie.

L’équipe VIRIMI pour « Infections Virales, Métabolisme et Immunité » bénéficie depuis deux ans du soutien de la Fondation CNRS. Cette équipe s’intéresse à la façon dont les virus détournent le métabolisme des cellules qu’ils infectent pour subvenir à leurs besoins en énergie et en briques moléculaires essentielles à leur multiplication. Ce piratage orchestré par les virus peut priver la cellule de molécules essentielles à sa survie ou au contraire activer certaines fonctions métaboliques, entraînant ainsi une « surchauffe » de la machinerie cellulaire. En outre, ces dysfonctionnements peuvent être perçus par la cellule comme un stress et déclencher l’activation d’une réponse immunitaire favorisant l’élimination du virus. Néanmoins, cette réponse peut devenir néfaste pour le patient lorsqu’elle est excessive et incontrôlée ou qu’elle perdure dans le temps. Ces liens entre infection virale, métabolisme cellulaire et réponse immunitaire sont au cœur des travaux de l’équipe VIRIMI.

Dans un premier temps, les scientifiques de l’équipe étudient les mécanismes par lesquels les virus détournent le métabolisme cellulaire et les conséquences sur la réponse immunitaire antivirale. Des molécules médicaments sont ensuite utilisées pour agir sur le métabolisme afin de stimuler les défenses antivirales et rendre les cellules résistantes aux virus. Contrairement à la majorité des antiviraux actuels, ces molécules innovantes agissent sur la capacité de la cellule à résister au virus plutôt que de cibler le virus lui-même. La cible à atteindre est triple : juguler l’infection, limiter ses conséquences délétères sur l’organisme et obtenir des traitements à large spectre efficaces contre plusieurs virus d’une même famille.

L’équipe VIRIMI cible des virus respiratoires comme la grippe, le SARS-CoV-2 ou le virus hautement pathogène Nipah dans le cadre d’une collaboration avec l’équipe NITROVIRE dirigée par Cyrille Mathieu, chercheur au CNRS, et Mustapha Si-Tahar qui pilote le Centre d’Étude des Pathologies Respiratoires (CEPR) à Tours. Le virus Nipah, présent chez les chauve-souris d’Asie du Sud-Est, infecte régulièrement l’homme et entraîne des encéphalites et des hémorragies souvent mortelles. Il représente à ce titre une menace et fait l’objet d’une surveillance étroite. Un des projets de l’équipe soutenu par la Fondation CNRS vise à développer une molécule contre ce virus en ciblant le métabolisme énergétique de la cellule. Les résultats obtenus récemment sont particulièrement prometteurs et l’équipe cherche des financements pour poursuivre ces travaux (cf. illustration). Une autre partie de l’équipe se concentre sur l’étude des virus qui infectent le foie et sont responsables des hépatites B, C et delta. Ces virus, en modifiant le métabolisme du foie, favorisent l’accumulation de lipides et donc le développement d’une stéatose puis d’une cirrhose, facteur de risque majeur du cancer du foie. Il existe des traitements capables d’éliminer le virus de l’hépatite C ainsi qu’un vaccin protecteur et des molécules efficaces pour contrôler le virus de l’hépatite B. En revanche, il n’existe aucune solution thérapeutique satisfaisante contre le virus de l’hépatite delta. Pour répondre à ce besoin, l’équipe étudie des molécules qui modifient le métabolisme du foie et stimulent l’immunité antivirale. L’objectif est de bloquer la réplication de ce virus mais aussi de prévenir le développement de la cirrhose et du cancer du foie.

Depuis quelques mois, l’équipe se concentre sur l’étude d’une nouvelle molécule qui bloque la propagation du virus de l’hépatite delta par un mécanisme original. Ce projet est mené en collaboration avec deux autres équipes placées sous la direction de David Durantel (Equipe HepVir, CIRI) et d’Yves Janin, Directeur de Recherche CNRS et chimiste au Muséum National d’Histoire Naturelle. Ce consortium espère amener cette molécule en clinique d’ici deux ans via la création d’une start-up et a déjà reçu le soutien d’Inserm-Transfert et de la SATT (Société d’Accélération du Transfert de Technologies) Pulsalys.

          Dans ce contexte, la Fondation CNRS se révèle importante à plusieurs égards. Elle apporte de la flexibilité et de la réactivité grâce à une source de financement qui permet la réalisation d’expériences préliminaires pour tester des hypothèses et amorcer de nouveaux projets. Sans ce soutien, ces projets n’auraient pas pu voir le jour. Par ailleurs, le financement de la recherche par la Fondation CNRS permet d’établir une relation privilégiée avec les donateurs. C’est l’occasion pour l’équipe d’expliquer son travail et de répondre au souhait des donateurs d’avoir un contact direct avec les chercheurs qu’ils soutiennent.

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